vendredi 16 mars 2012

À propos de Culture et communication... et d'ART

Alors que nous attendions un programme avec 3 options, nous nous retrouvons avec 7 options. Nous ne pouvons que célébrer ce choix du Ministère et du comité de revision. Par ailleurs nous trouvons que la clarification des compétences et des critères de performances est le résultat d'un bon travail du comité.


Cela dit, il y a des bémols. Des inquiétudes persistent. En voici quelques-unes.
1. Le nom du programme
Le premier bémol est sans contredit le nom du programme. Il manque d'un pouvoir attractif et de clarté. Culture et communication a une connotation beaucoup plus science humaines.
Nous proposons l'ajout de pluriels: Arts, cultures et communications.
2. Les noms d'options
Certaines options restent encore trop vagues .
Arts et Lettres pourrait très bien porter le nom de Multi-art .
Arts pourrait s'intitulé Arts et création, Création et esthétique ou encore Art et esthétique.
Mais, au-delà de ces aspects cosmétiques, des inquiétudes persistent sur de nombreux sujets:
3. Orientation
Nous trouvons que le programme est rédigé et orienté beaucoup plus vers les sciences humaines, notamment avec son parti pris pour une perspective socio-historique. Il faudrait selon nous revoir cette approche nettement trop scientifique pour se rapprocher de la création et la valorisation de l'Art dans le programmeAprès tout, c'est bien d'art qu'il s'agit lorsque le ministère nomme les options Arts et lettres, Arts, Cinéma, Lettres, Théatre.
Ainsi, le ministère doit savoir qu'à l'intérieur d'un tel programme, on ne peut se limiter à l’étude des champs culturels. Il doit y avoir des éléments de production. L'élève doit être à même de penser et de réfléchir dans l'action, dans la création. Ceci n'entache en rien ou ne remet absolument pas en cause une pensée critique, au contraire, c'est la matérialiser dans le faire.
En clair, Il faudrait déthèser ce programme qui semble parfois écrit pour des universitaires.

4. Finalités
Il faudrait ajouter à la page 4, aux buts de la formation spécifique :
Développer et exercer sa créativité. Ça nous semble non seulement une finalité mais aussi une position essentielle dans un tel programme.
Nous demandons que soit retirée des finalités du programme (page 4) l'exception vers les arts visuels. Il nous apparaît inopportun de croire que la réforme en arts plastiques influencent à ce point la réforme en arts et lettres et les admissions universitaires pour les élèves qui suivront une formation dans l'option Arts du nouveau programme. Nous croyons que ceci ne sert que les intérêts du programme actuel d'Arts plastiques (prochainement Arts visuels) au bénéfice d'une sur-spécialisation et qu'il détournera et/ou découragera de nombreux élèves du programme. La réalité est que de nombreuses universités accepteront ces élèves de toute façon sur la base d'un bon portfolio et de bonnes notes.
5. Les objectifs communs
Compte tenu de la clarté des compétences, des objectifs ainsi que des critères de performances, nous croyons qu'il n'est pas nécessaire de hiérarchiser les objectifs en accordant à certains un statut particulier. Par ailleurs la charge de travail est telle qu'il nous semble exagéré de rattacher près de 47% des heures à certains objectifs. Tous les objectifs doivent être spécifiques, aucun ne devrait être rattaché à un nombre d'heures obligatoires.
6. Les heures contact
Cette meilleure définition des compétences et des critères de performances exigera de toute évidence plus de suivi auprès des élèves. Ainsi nous croyons que le programme doit proposer plus d'heures contact afin de rencontrer ses propres exigences. Faut-il encore le rappeler ici, Arts et lettres avec ses 675 heures contact est le programme qui offre le moins d'heures contact. l'ajout de deux cours de 4 hrs ( 2 x 60=120hrs) nous offrirait un programme de 795 heures. L'ajout de deux cours de 3 heures (2 x 45=90hrs) nous offrirait un programme de 765 heures .
Chaque fois que l'on réclame plus d'heures contact pour permettre à nos élèves de travailler davantage en création, en pratique, on nous répète la phrase toute faite que «nous ne sommes pas dans un programme technique». À mon avis, c'est un argument qui ne tient tout simplement pas la route logiquement. Des programmes tel que Arts plastiques (prochainement Arts visuels) offrent 945 heures contact à leurs élèves avec des cours et des compétences très précises, sans être un programme technique.
Alors, je crois qu'il faut offrir à nos élèves les meilleures conditions d'étude possible, car plusieurs des profils, y compris celui nommé Arts, destinent les élèves vers des programmes universitaires où un portfolio est exigé. Alors, n'est-il pas tout à fait logique de travailler avec les élèves vers l'atteinte de l'excellence? N'est -ce pas là notre mission ?
De nombreuses compétences dans le nouveau programme sont réservées au travail intellectuel et à l'acquisition d'une culture générale plus développée. Bravo! Or, un artiste c'est un être qui pense aussi avec ses mains, qui réfléchit dans l'action. Certaines compétences ne sont atteintes que par la pratique. Si notre souhait est de mieux guider nos élèves vers l'université en respectant la longue liste des critères de performances pour chaque compétence énoncée, il faudrait surement augmenter les heures contacts dans ce programme afin que les élèves atteignent des résultats à la hauteur des attentes inscrites dans le programme. Ainsi ils pourront produire des portfolios qui se démarquent et qui sont à la hauteur des attentes des élèves tout autant que des attentes universitaires. N'oublions pas que le programme de Design graphique à L'Uqam (très contingenté) est offert aux élèves qui proviennent d'arts plastiques (pré-universitaire de 945 heures) et de graphisme au cégep Ahuntsic (programme technique de 1980 (!) heures contacts).
7. Et les arts visuels
Il nous semble que l’écart qualitatif (objectifs plus théoriques) et quantitatif (nombre d’heures contact) entre le nouveau programme Arts visuels (arts plastiques) et le nouveau programme Culture et Communication augmente. Ce qui aura pour effet d'affaiblir l’enseignement des arts visuels dans le nouveau programme surtout si, après que "les universités" aient critiqué les étudiants d’arts et lettres (profil arts visuels), on ne rehausse pas la qualité de leur formation artistique pratique.
Par ailleurs, le Mels devra nous démontrer le caractère scientifique dans sa démarche - sondage auprès des universités quant à sa pertinence face aux élèves venus d'arts et Lettres. Pour l'instant, cela nous semble bien faible.
Nous croyons que les objectifs devraient clairement intégrer la pratique comme méthode de recherche et d’apprentissage dans ce nouveau programme.Il serait donc nécessaire que le mot art et que la pratique de l’art apparaissent davantage dans le vocabulaire et le contenu du programme. Ceci servira non seulement des intérêts pédagogiques, mais pourra servir aussi de pouvoir attractif vers le programme à un momenbt où les inscription en arts et lettres sont en baisse dans de nombreux cégeps.
À deux endroits dans le projet de programme Culture et communication nous avons trouvé des critères qui pourraient nous permettre d'évaluer l'originalité ou la créativité d'un étudiant dans son travail. Sinon, rien d'autre. Dans ce contexte un étudiant - une étudiante pourrait réussir à faire tout son DEC et répondre à toutes les demandes méthodologiques, mais avoir peu d'imagination ou de créativité et nous n'aurions pas pu participer à développer ces compétences. D'un autre côté un étudiant talentueux, imaginatif, plein d'images, de liens inusités dans la tête (et ça arrive souvent) pourrait couler dramatiquement s'il n'a pas la méthode rationalisée des critères de performance.
En arts visuels (anciennement arts plastiques), les critères sont pleins d'évaluation sur l’originalité, la création, l'imagination, sur les apprentissages techniques (et ce n'est pas supposé d'être technique il me semble). Avec les restrictions actuelles imposées en Culture et communication, et la formation en arts visuels nous ne voyons pas comment un étudiant pourrait réussir à se faire accepter en arts visuels à l'université. Ce sont deux formations à des distances galactiques (éloignées quoi!) l'une de l'autre. Et la distance entre les deux formations, dans la capacité respective qu'elles offrent aux élèves de livrer des travaux pratiques créatifs et de grande qualité, ira à s'agrandissant.
À moins de vouloir former des étudiants qui s'intéressent à l'art pour se diriger vers l'enseignement, l'histoire de l'art, l'architecture (nous en doutons) le design (nous en doutons encore plus), nous ne voyons pas la formation générale suffisante pour les arts de toute façon. La rétroaction sur la pratique elle-même de l'art (dans les critères) est pratiquement inexistante. Alors, comment apprendre...? Comment apprendre à créer.
À moins que le droit de créer en arts ne soit devenu une chasse gardée du programme d'arts plastiques ( maintenant appelé Arts visuels) ?
8. Transfert d'un objectif d'une option vers une autre option
Nous souhaitons que soit reconduit la possibilité de transférer un objectif d'une option à une autre notamment afin de maintenir une pensée pluridisciplinaire, décloisonner les champs culturels, éviter la sur-spécialisation et maintenir le concept des disciplines contributives. Ceci permettra la réalisation de certains objectifs du programme, notamment amener l'élève à intégrer les acquis de la culture et exploiter des connaissances générales plus larges et des éléments de culture. Nous croyons que ceci permettra à l'élève de mieux apprécier certains élément de culture et d'exploiter des techniques et procédés expressifs.

Bertrand Carrière

3 commentaires:

  1. Bertrand, tu débusques plusieurs lièvres là.
    Ça fait un peu peur.

    Oui, finalement, ce programme est très bien rédigé, très bien construit, mais on y retrouve de moins en moins un espace favorable à l'apprentissage de l'art et à une expérimentation suivie de la création.
    À vouloir faire un programme de culture générale et commun à plusieurs profils, on tombe peut-être dans la généralité la plus commune.

    C'est sans doute pourquoi le programme porte maintenant le nom de Culture et communication. L'art, la méthodologie, la connaissance socio-historique des cultures contemporaine d'ici et d'ailleurs, etc. tout me semble nivelé à la même hauteur.
    J'aimerais que quelqu'un puisse me convaincre que les profils artistiques dans ce nouveau programme pourront survivre encore longtemps malgré ce régime minceur.
    Si d'autres CP ou professeurs peuvent me le dire, moi j'ai nettement l'impression que les profils cinéma, médias, lettres et théâtre pourront facilement y reconstruire un nid avec quelques petits changements. Et les étudiants y trouveront leur compte.

    Quant aux autres profils je n'en suis pas si sûr.

    Comment peut-on changer cela ?

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  2. Voilà une magnifique synthèse de la situation, doublée d'une réflexion critique très juste.
    J'en retiens toutefois un combat très orienté vers la défense des arts visuels, certes légitime, mais dont je doute qu'il puisse porter fruits tant il s'oppose à ce qui semble être déjà décidé au ministère... Je précise.

    Puisque l'enjeu est de prétendre à une formation qui n'écarte pas la possibilité que les diplômés du programme révisé soient acceptés en arts visuels à l'université, et qu'il est aussi assez entendu que ce ne sont pas tous les diplômés des profils actuels d'arts visuels qui peuvent prétendre à être acceptés en arts à l'université s'ils n'ont pas un portfolio solide, je propose ceci: on pourrait simplement réclamer qu'une précision accompagne la mention d'exclusion, laquelle dirait qu'un étudiant qui s'assurerait de monter un portfolio bien garni en complément de sa formation en Arts et esthétique (si cette appellation devait être retenue) pourrait aspirer à satisfaire aux exigences des programmes d'arts à l'université. Je ne vois pas qui du futur programme d'Arts visuels, du ministère ou des universités pourrait contester cette possibilité, et du coup les étudiants qui souhaiteraient acquérir une solide formation intellectuelle avant d'affronter l'université se reconnaîtraient fort bien dans un programme d'Arts et esthétique.

    Arrive maintenant la question de la pratique des arts et des similarités avec le programme de Sciences humaines. Il faut faire attention, car s'il est légitime de réclamer du ministère ses études scientifiques justifiant la décision de museler les arts visuels, celui-ci s'est justement appuyé sur une telle étude (commandée d'ailleurs par le comité des enseignants d'Arts et lettres) pour orienter les travaux de révision en sondant les attentes des universités, et cette étude a révélé une pertinence à mieux valoriser la culture générale ; nous avons applaudi jadis ce souhait d'hausser la place de la société et de l'histoire dans la formation, données à mon sens incontournables pour comprendre les langages artistiques.
    Ce qui s'apparente donc à un rapprochement avec les Sciences humaines me semble très légitime, d'autant que ce secteur est lui-même parfois à deux pieds sur notre terrain, notamment quand il est question des médias et de l'enseignement. Bref, pourquoi pas! surtout si c'est la culture générale qui y gagne.
    En ce qui concerne alors la pratique des arts, j'estime que nous ne devrions pas nous battre pour maintenir, voire développer, une pratique très spécialisée (je précise: très), car la pratique artistique peut atteindre dans la formation des niveaux très variables que chaque cégep pourrait déterminer, au même titre qu'il a été signalé que les niveaux de compétence en langues peuvent aussi varier d'un cégep à un autre. Le seul niveau qui serait moins pertinent serait ainsi le niveau supérieur, celui qui empiète sur la formation universitaire; à titre d'exemple, j'ai souvent entendu que les écoles supérieures de théâtre rebutent à accueillir des diplômés de profils Théâtre parce qu'il leur faut alors les amener à "désapprendre" les techniques de jeu acquises au cégep...

    (La suite dans un instant)

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  3. Bref, je n'ai pas le sentiment qu'à des niveaux plus raisonnables, cet enseignement de la pratique des langages artistiques rencontrera un obstacle majeur dans le nouveau programme.
    Nous accueillons depuis deux ans les élèves issus du Renouveau pédagogique, formation très orientée vers les projets pratiques non pas pour atteindre la maîtrise technique mais pour expérimenter un langage et découvrir en cela ses enjeux et prétentions. Poursuivons dans cette voie avec toute la rigueur qu'un programme spécifique collégial peut mettre sur la table, et laissons aux universités le soin de développer les pratiques pointues de calibre professionnel. Veillons à sensibiliser les étudiants aux grands défis techniques qu'il devront affronter après le cégep et offrons-nous le luxe de les accompagner dans la découverte enthousiaste des perspectives artistiques et du terrain où elles se concrétiseront. De toute manière, je ne vois pas le jour où nous n'aurons plus la possibilité d'accompagner plus généreusement l'étudiant qui témoignera d'un appétit supérieur et d'un désir d'expérimentation qui détonne du reste de ses collègues de classe.

    Ceci dit, et avant de conclure, j'approuve chacune des idées avancées en faveur d'une hausse des heures-contact, mais justement, il serait de bon aloi de ne pas plaider pour une telle hausse dans l'idée de maintenir une formation technique pointue qui va à l'encontre des visées fondamentales du ministère; soulignons plutôt la nécessité d'accueillir le mieux possible les élèves du secondaire formés au rythme de projets pratiques, en augmentant le nombre d'heures de laboratoire dans la pondération des cours, pour offrir plus de temps aux enseignants désireux d'accompagner les étudiants dans la réalisation de leurs projets. L'argument de l'apprentissage par les mains est très juste et il a l'avantage de bien s'accorder avec les prétentions du ministère qui souhaite des diplômés ayant davantage de connaissances. On pourrait ainsi ajouter des cours, ou encore hausser la pondération globale de ceux déjà existants en leur ajoutant des heures de laboratoire; un mélange des deux approches serait idéal, selon moi.

    Pour conclure, l'option Multi-arts serait mieux avec un s!

    Luc Grenier

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