vendredi 10 mai 2013

Culture et communication : quelques précisions


Depuis 2009, le programme d’Arts et lettres est en pleine révision au Ministère de l’éducation, des loisirs et du sport (devenu le Ministère de l’Enseignement supérieur). Pendant cette période, les enseignantes et enseignants du réseau collégial ont été informés des transformations envisagées pour leur programme. Malgré que plusieurs d’entre eux s’attristent de voir disparaître l’appellation «Arts et lettres» qu’ils affectionnaient et qui renvoyait à des savoirs essentiels à leurs yeux, ils n’ont d’autres choix que d’adopter ce nouveau programme et réfléchissent, depuis plusieurs mois déjà, aux façons de traduire le nouveau devis ministériel en cours d’arts, de littérature, de cinéma, de théâtre, de médias et de langues, afin de proposer aux futurs étudiants de «Culture et communication» un programme capable de les stimuler, de les instruire et de les mener là où ils sont capables d’aller.

Maintenant qu’on a annoncé officiellement la « fin d’arts et lettres » en une du Devoir, le 8 mai 2013, dans un article signé par la journaliste Lisa-Marie Gervais, toutes sortes d’informations erronées jaillissent dans l’espace public, au grand dam de ceux qui, alchimistes amateurs comme moi, tâchent de transformer les compétences en cours, question d’offrir cette nouvelle mouture du programme sous peu. Ces informations traduisent une méconnaissance du milieu collégial, laquelle s’explique aisément lorsqu’on considère le caractère amphigourique des devis ministériels qui fondent nos programmes; là où cela devient gênant, c’est quand les personnes  interrogées (un ministre de l’éducation ou un président de Fédération, par exemple) annoncent des transformations qui ne sont pas prêtes d’advenir ou qui ne correspondent en aucun cas à ce que prévoit le nouveau programme d’études Culture et communication !

Alors que les programmes collégiaux sont constitués de compétences et qu’aucun cours n’est imposé par le MELS dans le nouveau programme Culture et communication, comme dans tout autre programme d’ailleurs, on annonçait cette semaine que : « [l]e nombre d’heures d’enseignement de la littérature y augmentera[1] » tandis qu’un article stipulait plutôt que « (…) la littérature devient une option aux côtés du théâtre, des arts, des médias, des langues et du cinéma, ce qui se traduira par des réductions d'effectifs.[2] » Que faire de ces informations contradictoires ? En réalité, rien n’oblige les cégeps à réduire ou à augmenter le contenu littéraire de leurs programmes! Chaque cégep est libre d’implanter le programme tel qu’il l’entend, tant et aussi longtemps qu’il respecte les heures attribuées aux compétences de tronc commun ou de formation spécifique. Au Collège de Maisonneuve, nous offrirons par exemple une formation multidisciplinaire-littéraire de même qu’une formation en cinéma, tandis que nos étudiants de langues, qui apprennent déjà l’allemand et l’espagnol, pourront poursuivre dans cette voie que nous tentons en ce moment même de rendre encore plus intéressante pour eux. Chez nous, la littérature aura toujours une part belle, évidemment, puisque nous croyons plus que jamais à la nécessité de former de bons lecteurs (d’images, de textes, de tweets, de films, de photographies, de journaux). Cela dit, chaque cégep tentera probablement de maintenir ses particularités, et le nouveau programme Culture et communication leur donne cette latitude.

Dans la même dépêche de la Presse canadienne, reprise notamment par le journal Métro et par Radio-Canada, on annonçait que l’« [u]n des changements qui découleront de cette révision du programme sera l'ajout d'un cours en technologies de l'information, qui vise (…) à aider les étudiants à maîtriser les nouvelles technologies[3] », ce que Jean Beauchesne, président de la Fédération des cégeps, réitérait en ondes lors d’une entrevue avec Michel Désautels, à l’émission Désautels diffusée à la Première Chaîne le 8 mai 2013. Encore une fois, relativisons : il n’y a pas de cours obligatoires dans le devis ministériel. Des compétences, oui. Mais ce sont les profs qui détermineront la façon de transmettre ces compétences et les savoirs qui y seront liés !  

Il était tout aussi surprenant d’apprendre, dans cette entrevue, que selon M. Beauchesne, « Tout le monde pourra donner ces sept options-là ».  S’il est vrai que chaque cégep peut théoriquement choisir d’offrir toutes ces options, dans les faits, chaque cégep identifiera la ou les options qu’il souhaite proposer à ses étudiants, en tenant compte du corps professoral, de ses compétences, des orientations locales du programme, des étudiants qui fréquentent son institution, etc. 

Ce que le MELS fournit, c’est une série de compétences que les étudiants doivent acquérir pendant leur formation. Les disciplines que ces compétences concernent sont généralement liées au domaine des arts et lettres, comme en font foi les sept options possibles : théâtre, cinéma, littérature, arts, médias, langues et multidisciplinaire. Cependant, chaque cégep est libre de déterminer ce qu’il désire proposer comme option et n’a pas l’obligation de proposer ces sept options.

Enfin, il semble y avoir eu confusion entre le souhait énoncé par le ministre Duchesne d’ajouter un cours d’histoire obligatoire dans le parcours collégial et l’arrivée du nouveau programme Culture et communication. La formation générale est commune à tous les programmes, et y ajouter un cours d’histoire s’avère un débat que nous pouvons bien ouvrir, mais qui n’a rien à voir avec Culture et communication. Encore une fois, aucun cours d’histoire n’est imposé dans le nouveau programme de Culture et communication, bien que nous proposerons évidemment, comme nous le faisons depuis longtemps déjà, un contenu historique, les œuvres d’art (ou les « objets culturels », pour reprendre la terminologie ministérielle) n’apparaissant pas par génération spontanée, mais dans un contexte sociohistorique qu’il est normal d’explorer !  

En définitive, je suis persuadée que les enseignantes et enseignants du réseau, de concert avec les conseillers pédagogiques et avec les directions de chaque établissement, réussiront à proposer des programmes de Culture et communication qui répondront aux objectifs du ministère tout en maintenant les arts et les lettres au cœur du parcours des étudiants qui le choisiront; c’est, du moins, ce que nous tâchons de faire chez nous.


Nancy Costigan, Maisonneuve
Responsable du programme Arts et lettres





[1] Robitaille, Antoine, « Fin du programme Arts et lettres : nécessaire renaissance », in Le Devoir, 9 mai 2013, http://www.ledevoir.com/societe/education/377723/necessaire-renaissance, page consultée le 9 mai 2013)
[2] Presse canadienne, « Le nouveau programme en Arts et lettres entraînera un mouvement de personnel », Radio-Canada, 8 mai 2013, http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2013/05/08/006-nouveau-programme-etude-arts-lettres-cegep-mouvement-personnel.shtml, page consultée le 9 mai 2013)

[3] Ibid.


3 commentaires:

  1. Super article Nancy ou tu remets très bien les pendules à l'heure. Avais-tu pensé écrire quelques articles dans les journaux?

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  2. Nancy, je suis d'accord avec Gilbert. Il y aurait lieu de publié un texte de démenti ou tout du moins faire entendre la 'voix' des enseignants. On est peut-être trop discrets.
    Bravo pour ton écrit.

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  3. Merci; on se concerte en début d'automne? Il me semble qu'il sera toujours temps, non?

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